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Souveraineté, droit et gouvernementalité. A partir des Six Livres de la République de Jean Bodin

di Thomas Berns (Chargé de cours en philosophie politique et en éthique à l’Université Libre de Bruxelles). Il contributo che mettiamo a disposizione è stato pubblicato nel numero 7/8 del 1999-2000 nel Bollettino dell’Archivio della Ragion di Stato.


A bien des niveaux, le développement du présent texte sera asymétrique : Bodin est une excuse pour traiter de la productivité des concepts (fondamentaux pour la recherche sur la Raison d’Etat) « lancés » par Foucault, tout autant que Foucault en est une pour revenir à la définition originaire de la souveraineté par Bodin ; quoi qu’il en soit, il ne peut être question de simplement les comparer ou de contredire l’un à l’aide de l’autre. De même, nous entendons revenir à la question de la souveraineté, qui n’en finit pas de se définir toujours plus négativement, sinon de dépérir, dans le creux laissé par la recherche foucaldienne sur la gouvernementalité, qui elle-même aurait explicitement été menée pour éviter le paradigme négatif, mais régnant et englobant, de la souveraineté. Ces différentes asymétries sont inhérentes aux sujets abordés, qui ne se recouvrent jamais : la relation en tant que telle de la souveraineté et de la gouvernementalité (ou encore leur charge relationnelle), mais aussi la relation entre discours fondateur et pratique concrète, et enfin, au sein de ces relations, la question du droit –le droit comme fondement, mais surtout le droit comme pratique englobante, le droit comme discours…

Il s’agira ainsi de tenter de prendre en compte de manière positive la singularité du développement du discours juridique à l’aube de la Modernité. Mais cette singularité du développement de la pensée juridique qui donne forme à la souveraineté sans être simplement déduite d’elle, postpose dès lors tout partage entre gouvernementalité et souveraineté, et redonne ainsi une certaine positivité à la souveraineté qui l’a laissé advenir. Tel sera l’objet de la première partie de cet article, où nous suivrons pas à pas comment le droit s’est attelé à la définition de la souveraineté chez Bodin (I.2) , et où nous montrerons en quoi une approche essentiellement négative ne peut rendre compte de cette rencontre (I.1 et I.3). Dans un second temps, il sera montré, au travers de deux exemples précis issus du texte de Bodin, combien la définition bodinienne de la souveraineté, en se repliant sur le droit, libère et ouvre la question du gouvernement (II.1 et II.2).

I.1. Ce que lagouvernementalité « laisse » à la souveraineté.

Dans sa leçon sur La gouvernementalité, Michel Foucault définit le gouvernement (son but, sa pratique, son discours) comme établissant une « rupture importante » par rapport à la souveraineté : « la fin de la souveraineté se trouve en elle-même », « elle tire ses instruments d’elle-même sous la forme de la loi »[1] [1]. Si elle vise le bien commun, celui-ci consiste précisément dans le fait que « les sujets obéissent tous et sans défaillance aux lois » ; la fin de la souveraineté se caractérise par la « soumission absolue » ; cette finalité est donc « circulaire : elle renvoie à l’exercice même de la souveraineté »[2] [2] ; la souveraineté vise la soumission à la loi et atteint cette fin par la loi elle-même. La « gouvernementalité » rompt radicalement avec une telle pratique dans la mesure où elle viserait pour sa part quelque chose d’extérieur à elle (population, richesse,…) : le gouvernement dispose des choses pour les conduire à une fin convenable qui est relative à chacune des choses à gouverner. Elle a donc une « pluralité de buts spécifiques »[3] [3]. Et à cette fin plurielle, une multiplicité de tactiques seront utiles, en fonction des choses dont on dispose. Parmi ces tactiques, il y a évidemment les lois, mais celles-ci ne se conçoivent dès lors que comme des tactiques, et non pas, selon le registre de la souveraineté, comme ce qui en tant que tel doit être imposé parce qu’une telle imposition est en elle-même la fin de la souveraineté et son instrument.

Ce que l’analyse de la gouvernementalité révèle, comme pratique politique, n’est donc pas a priori et nécessairement autre chose que ce qu’on pourrait analyser sous le registre de la souveraineté : cette pratique gouvernementale peut parfaitement s’instrumentaliser dans et par la loi. Bien sûr, cela s’accompagne dans un premier temps (alors même que le mercantilisme se met seulement en place) du développement des appareils de gouvernement et des administrations et donc d’un certain type de pratiques et d’échelonnement du pouvoir, d’une part ; et de celui d’un nouveau genre d’analyses et de savoirs « statistiques » d’autre part. C’est même la valeur positive et indépendante d’un tel développement et de telles pratiques que dévoile l’œuvre de Foucault ; mais cela non plus ne s’oppose pas frontalement à l’instrumentalisation massive de la loi qui pourrait, en suivant toujours Foucault, être pour sa part déduite de la souveraineté. C’est sans doute dans cette possible mais mystérieuse coexistence que réside aussi le secret de l’énorme productivité de l’œuvre de Foucault : bien qu’opposées, il ne s’agit pas de penser la gouvernementalité contre la souveraineté comme si la première pouvait remplacer la seconde, désormais reconnue fausse, dépassée ou mystificatrice… ; au contraire, je serais même tenté de dire que, en ouvrant le registre des disciplines, puis du gouvernement et du bio-pouvoir, Foucault ne cesse de vouloir rendre intelligibles le sens et le rôle du discours sur la souveraineté, la légitimité et le droit naturel. C’est dans une telle perspective que j’entends me situer (c’est-à-dire aussi en traitant de la gouvernementalité du point de vue de la souveraineté, et donc par définition sans pouvoir rendre justice à l’œuvre de Foucault).

Mais ces mystères maintenus par Foucault sur ses propres visées ne suppriment pas la rupture au moins épistémologique que suppose le fait de passer d’une recherche organisée par l’idée de la souveraineté, à une recherche centrée sur l’idée du gouvernement[4] [4]. Et cette rupture, en assumant le risque de la simplifier (puisque dans le chef de Foucault, elle consiste à privilégier l’importance de certaines pratiques de gouvernement et de pouvoir par rapport à une analyse entièrement déduite du concept de souveraineté), réside dans un changement quant à ce qui est visé par le gouvernement, eu égard à ce qui était visé par l’idée de souveraineté : dans un cas, la pluralité des fins convenant à chaque chose ; dans l’autre cas, sa propre effectivité. Et la perfection théorique de la souveraineté est ce qui à la fois masque la réalité des pratiques de gouvernement, ce qui aussi en bloqua, dans un premier temps, le développement, et enfin ce qui vise à dissoudre le fait de la domination que révélera pour sa part l’analyse des multiples formes de gouvernement par lesquelles les hommes se dirigent les uns les autres.

Ma question est: le paradigme de la souveraineté existe-t-il, ou peut-il subsister, ou a-t-il un sens, tel qu’il se laisse deviner, négativement, au travers de la rupture que représenterait pour lui le paradigme de la gouvernementalité ? Et peut-il rendre compte de ce que fut, dans sa mise en place, la définition de la souveraineté, sa théorisation, et en particulier au sein de cette dernière, de ce moment où la souveraineté rencontre le droit, où le droit devient ce qui la démarque ? Une telle question peut paraître tortueuse : elle prend son sens dans l’idée que le développement des pensées rivales de la souveraineté est lui-même gangrené par une lecture trop univoque de cette dernière, et repose même sur elle. En d’autres mots : c’est peut-être justement parce qu’il est impossible de penser la souveraineté et le droit dans une relation de légitimité univoque, qu’il est aussi impossible de prétendre à leur dépassement conjoint.

En effet, la donnée première, incontournable et  traditionnellement reçue de la souveraineté, et que la gouvernementalité selon Foucault veut justement contourner (tout en la réaffirmant donc), serait en quelque sorte son caractère solipsiste, selon lequel elle puise exclusivement en elle-même les moyens de son exercice, et que dès lors ce qu’elle vise renvoie précisément à son exercice : la souveraineté s’exerce par la loi et veut l’obéissance à la loi. Or ceci ne paraît simple que dans la mesure où  pour nous et même pour Foucault, toujours déjà trop modernes, toujours déjà trop évidemment lecteurs de Hobbes, l’équation souveraineté-loi est reçue et évidente… comme si la seconde n’avait rien ajouté à la première, comme si donc il était évident que le droit et la souveraineté viennent ensemble, d’un seul et même mouvement, en se représentant mutuellement comme étant « l’intérieur » l’un de l’autre. Le corrélat d’une telle équation étant bien sûr l’idée que la souveraineté suppose toujours déjà le sujet, un sujet –contractant- sur lequel repose sa légitimité, et un sujet sur lequel elle s’applique, par la loi. Ce double rôle du sujet-individu, « noyau élémentaire, atome primitif »[5] [5] de la philosophie politique, alors qu’il se constitue plutôt comme l’effet des multiples gestes de pouvoir, est ce qui permet de masquer le fait de la domination.

Or l’équation loi-sujet-souveraineté n’est peut-être pas si évidente. Rappelons d’abord ce que tout le monde sait : la souveraineté fut toujours et avant tout analysée comme la fonction de décider de la guerre et de la paix (entre autres, de l’intérieur, en interdisant les guerres privées). Et, lorsqu’il s’agit de la définir dès le XIIIe siècle, elle fut d’abord comprise comme résidant essentiellement dans la fonction de rendre la justice en dernier ressort ; un pouvoir judiciaire et un contrôle des tribunaux qui ne doivent pas nécessairement s’entendre dans un sens juridique. Et si, depuis le XIVe siècle se dessinait l’image du roi législateur, il s’agissait surtout de concevoir le souverain comme le garant ultime des coutumes et d’un ordre établis.[6] [6] Dans les trois cas, c’est la capacité de la souveraineté à être l’instance ultime et à gouverner les situations exceptionnelles qui est affirmée ; or c’est précisément avec cela qu’il s’agira de rompre pour rendre compte de sa rencontre avec le droit, comme nous pouvons l’éprouver à la lecture de Bodin.

I.2. Comment la souveraineté se laisse « marquer » par le droit.

Le chapitre 8 du Livre I des Six livres de la République débute par cette définition: «la souveraineté est la puissance absoluë et perpetuelle d’une Republique » . L’objet de ce chapitre 8 est de « former » cette définition, en opposant la perpétuité de la souveraineté à l’idée que le prince puisse n’en être que « depositaire »[7] [7], et surtout en opposant son caractère absolu à toute possibilité de partage. Cette nécessaire unicité de la souveraineté se justifie tout autant de manière essentielle –une souveraineté divisée serait auto-réfutante- que contextuelle, au nom d’un refus de toute constitution mixte, et en vue de permettre la décision dans un contexte de guerres civiles. La définition formelle mentionnée est le cœur de l’ouvrage de Bodin à partir duquel il peut donc déduire les caractères essentiels de la souveraineté : l’unilatéralité des actes souverains, l’obligation d’obéissance de la part des sujets… Or, après avoir défini la souveraineté dans le chapitre 8, dans ce sens total et absolu (et apparemment suffisant), mais pas encore juridique stricto senso,  Bodin juge malgré tout bon de poursuivre  son analyse dans le chapitre 10 par la définition des marques de cette souveraineté au travers desquelles le caractère absolu et perpétuel de la souveraineté se déploiera au point de devenir reconnaissable, et par lesquelles, surtout, la portée essentiellement législatrice de la souveraineté sera imposée.

Dans ce chapitre 10, nous passerons lentement d’une forme de connaissance absolument passive de la souveraineté, simple diagnostic, à une forme plus active, plus vécue, ou encore à une reconnaissance de la souveraineté : « afin qu’on puisse cognoistre celuy qui est […] Prince souverain, il faut sçavoir ses marques, qui ne soyent point communes aux autres sujects : car si elles estoyent communes, il n’y auroit point de Prince souverain » (Rép. I, 10, p.295). C’est donc bien une logique de l’exception, propre à la puissance absolue, qui guide Bodin. Mais ces « marques », dont je souhaite comprendre ici l’impact spécifiquement juridique sur la souveraineté, deviendront dans la traduction latine proposée par Bodin lui-même en 1586, les iura propria du souverain, ses droits propres ; par delà le bon plaisir du souverain, un droit public est donc ainsi mis en jeu. La question de la reconnaissance, ou d’une légitimité publique de la souveraineté ne peut encore être posée comme telle, elle ne découle pas naturellement de la question de la souveraineté ; elle doit en quelque sorte se mettre en place « gratuitement », être puisée au sein-même de la souveraineté, pour ensuite, dans un second temps, s’imposer à elle.

Mais il reste que la souveraineté, même comme puissance absolue, a donc besoin de marques, besoin de se démarquer dans un sens qui devient plus positif que négatif : il faut qu’on puisse connaître la souveraineté. Et cette logique de la connaissance par les marques (qui suit apparemment dans un premier temps la définition par les propres selon Aristote) nous mène à la première marque de la souveraineté –celle dans laquelle toutes les autres marques sont comprises (Rép. I, 10, p.309)-, à savoir : « la puissance de donner loy à tous en general, et à chacun en particulier […] sans le consentement de plus grand, ni de pareil, ni de moindre que soy » (Rép. I, 10, p.306).

Toute la stratégie bodinienne consiste ici à introduire la loi comme une simple marque de la souveraineté, parmi d’autres marques (droit du glaive, droit de déclarer la guerre et la paix….), alors même qu’elle s’imposera comme la seule marque, et donc comme essentielle à la souveraineté[8] [8], une inflexion qui est sous-tendue et renforcée par le fait que se démarquer, disposer de quelque chose de propre, s’affirme dans le cas de la souveraineté comme une véritable exigence plutôt que comme une simple possibilité de définition[9] [9]. Telle est donc l’inflexion : après avoir défini essentiellement la souveraineté dans le chapitre 8 (perpétuelle et absolue, et donc comme pouvoir de dérogation et d’exception, dans un sens schmittien), Bodin en donne les marques dans le chapitre 10, des marques qui, à la fois selon la pensée aristotélicienne et selon l’argumentation de la puissance absolue empruntée à la théologie[10] [10], doivent s’entendre comme multiples, ‘passives’, comme ne permettant pas la saisie de la quiddité de la souveraineté, comme relevant de son bon plaisir. Or, immédiatement après, je l’ai déjà dit, Bodin précise : « sous ceste mesme puissance de donner et casser la loy, sont compris tous les autres droits et marques de la souveraineté : de sorte qu’à parler proprement on peut dire qu’il n’y a que ceste seule marque de souveraineté, attendu que tous les autres droits sont compris en cestui là » (Rép. I, 10, p.309, je souligne). Dès lors et corrélativement : toutes les marques de la souveraineté sont du droit, ou encore c’est du droit qui démarque la souveraineté ; et ce qui ne devait être qu’une marque ‘passive’ de la souveraineté, un simple diagnostic, au même titre que la couronne, devient ce dont elle a besoin dans la mesure où cela réclame d’elle un type d’activité bien précis.

Et de la sorte, par cette production du droit qui, comme première marque de la souveraineté comprend toutes les autres marques, la souveraineté est certes unifiée ; mais ce n’est pas du tout le fait d’un soi-disant caractère monolithique d’une souveraineté entendue comme main du prince couronné. Au contraire, ce dernier, de par son unicité souveraine, ne pouvait donner lieu qu’à une multiplicité de marques que dénombrent de façon toute taxinomique les médiévaux depuis le début du XIIIe siècle, depuis que s’effrite l’idée d’empire. L’unification par le droit vient contre cela, contre cette multiplicité, en fait encore très gouvernementale, d’une souveraineté conçue selon un modèle théologique. L’unification par le droit remplace donc l’unité d’origine, mais dans la seule mesure où le droit s’est présenté d’abord comme une simple marque de la souveraineté parmi d’autres marques, encore trop substantielle pour être déjà formelle, et trop partielle pour être déjà le tout de la souveraineté.

En effet, nous pouvons aussi rendre compte du glissement produit dans l’analyse bodinienne des marques de la souveraineté de la manière suivante. Bien qu’il ait donné une définition formelle et non-substantielle de la souveraineté dans Rép. I, 8 (une définition suffisante pour tous les autres développements des Six Livres, c’est-à-dire suffisante pour établir les conditions d’une souveraineté absolue, indivisible, unilatéralement contraignante, etc.), Bodin ne pouvait établir le caractère premièrement législatif de la souveraineté qu’en se servant, dans Rép. I, 10, d’une définition de la souveraineté par ses marques. Ce type de définition est propre à la conception médiévale de la souveraineté : il s’agit d’énumérer une fois de plus les droits régaliens, codifiés pour la première fois en 1158 par Frédéric I Barberousse. Ce type d’énumération d’une multiplicité de qualités, de moyens et de buts nécessaires à la souveraineté s’oppose, par son caractère substantiel et téléologique, au développement formel promu dans le reste des Six livres qui en fait pour une bonne part un exposé déjà moderne. Par définition, une énumération des marques de la souveraineté, entièrement soumise à l’unicité de celui qui détient la souveraineté, ne peut pas être complète, ne peut pas éviter d’émietter de manière hétéroclite cela même qu’elle définit au travers de diverses fonctions et divers droits singuliers. Or, la synthétisation de la souveraineté par le droit s’impose, par le tour de passe-passe décrit, au sein même de cette énumération des marques de la souveraineté, une énumération dans laquelle Bodin s’affirme explicitement comme s’opposant à cette « infinité de particularitez » des « Droits de regales » (Rép. I, 10, p.297). Et c’est effectivement vrai, dans la mesure où toutes les marques que cite Bodin sont désormais comprises comme acte de légiférer, comme ayant donc forme de loi : ainsi, le « droit de moneage » (émettre la monnaie) est désormais « de la mesme nature de la loy, et n’y a que celui qui a puissance de faire la loy, qui puisse donner loy aux monnoyes » (Rép. I, 10, p.331). On ne peut se contenter d’expliquer cet emploi de la définition substantielle mais plurielle de la souveraineté par ses marques comme étant simplement le reflet de l’inscription de la pensée de Bodin dans un passé dont pour le reste il parviendrait à s’abstraire : au contraire, la stratégie qui permet à la positivité du droit de faire irruption dans la théorisation « négative » de la souveraineté, jusqu’à l’englober, devait suivre un tel chemin ; le passage immédiat de l’unité souveraine à l’unité juridique était à la fois impossible et inutile s’il ne transitait pas par un tel moment, encore souverain, d’émiettement. Car il ne s’agissait pas d’ajouter une prérogative au souverain, ni même de lui donner un pouvoir d’exception encore plus grand, mais au contraire de changer la « nature » elle-même de ses actes. Mais cette loi, pour être considérée de ce point de vue actif pour la souveraineté, comme forme unifiante de tous les actes de cette dernière, devait d’abord, pour faire irruption dans son champ, avoir été, passivement, une de ses marques. La relation de la loi à la souveraineté ne se comprend ainsi que dans une relation de « différance », au sens derridien, qui se décline à la fois à l’actif et au passif pour ne taire ni ce qui relève du même, ni ce qui relève d’une altérité absolue.

Nous assistons véritablement ici à la mise en place de la juridicisation de la souveraineté. Dans une première élaboration de cette définition des marques de la souveraineté telle que la présente la Methodus,  Bodin, qui ne prétend encore que déterminer que summam Reipublicae in quinque partibus versari (et n’envisage encore au-delà de cette division aucune définition de la souveraineté), fait de la nomination des magistrats la charge principale de la souveraineté, promulguer et abroger les lois ne venant qu’ensuite, avec les trois derniers attributs de la souveraineté que sont, comme dans la Rép., déclarer la guerre ou conclure la paix, juger en dernier ressort et le droit de vie ou de mort là où la loi ne prête pas à la clémence[11] [11]. La valeur essentielle et distincte de la promulgation de la loi, et l’idée qu’elle porte en elle et synthétise toutes les autres marques, s’élabore donc véritablement dans le texte que nous étudions. Et comme je l’ai déjà dit, elle n’est véritablement accomplie que dans la version latine ultérieure des Six livres, lorsque les « marques » deviennent elles-mêmes les iura propria, c’est-à-dire s’affirment déjà comme droit.  On ne peut que noter l’hésitation de Grotius vis-à-vis de cet étrange statut, en évolution, de la marque de la souveraineté : dans son précoce Commentarius in theses XI, il se base incontestablement sur la définition des marques de la souveraineté par Bodin dont il consulte, comme en attestent des notes en marge retrouvées, la version française[12] [12]. Les marques de la souveraineté, expression d’une souveraineté en construction dans l’histoire et voulant s’extraire de celle-ci, qui deviendront, dans la version latine dont apparemment Grotius ne dispose pas à ce moment-là, les propria iura majestatis, droits positifs d’une souveraineté acquise,  sont traduites par Grotius comme actus summae potestatis : l’ambiguïté de actus, déjà plus actif que la marque, mais moins acquis que le droit, reflète toute l’ambiguïté de la démarche bodinienne.

I.3. Contingence de la rencontre du droit et de la souveraineté.

Tel est le mouvement complexe qui nous permit d’assister à une triple conquête : la souveraineté, le droit et la reconnaissance, et ce, non pas pour la république, ou eu égard à une chose publique ou a fortiori divine, mais dans la république, dans ces simples limites territoriales et nationales qui signifient véritablement, à l’époque de Bodin, l’introduction de la finitude dans un politique désormais délié (et pouvant véritablement l’être grâce au droit produit) de toute référence universelle –Dieu, nature, empire… Mais cela n’était pas évident pour autant, comme le prouvent les différents infléchissements mentionnés ! Et comme je l’ai déjà dit, jamais le sujet ne fut présupposé. Par contre, nous avons dû transiter par une définition substantielle au sein même du développement formel de la souveraineté, pour que le droit soit « ajouté », de manière toute positive, à cette dernière, pour que la consistance positive du discours juridique s’impose à elle.

Aussi mince que puisse paraître le mouvement décrit ci-dessus, c’est à travers lui que fut rendue possible la rencontre, qui n’avait donc rien de nécessaire, entre la souveraineté et le droit. Pour qu’une telle rencontre ait lieu, il fallait d’abord que la question se pose de chercher à rendre discernable la souveraineté –ce qui n’a rien d’évident pour une entité pensée selon le modèle théologique comme puissance absolue et perpétuelle. C’est à cette fin que se déploie la logique de la marque, encore présente chez Hobbes, qui tout à la fois résulte de l’inspiration théologique de la théorie de la souveraineté, et permet de rompre avec elle, puisque la nécessité de se démarquer, d’être discerné et discernable, ou encore de se légitimer, ne se pose que dans un cadre fini. Ensuite, il fallait que parmi toutes les marques possibles et partielles, il soit décidé que faire le droit devienne non seulement la première marque, mais aussi celle qui comprend toute les autres, c’est-à-dire celle qui en retour transforme les marques de la souveraineté en droit de la souveraineté.

En revenant sur cette stratégie bodinienne qui permit la rencontre totale de la loi et de la théorisation de la souveraineté, je ne mets donc nullement en doute la réalité et l’efficace d’une telle rencontre. Au contraire, c’est même ce que je confirme. Mais ce faisant, c’est aussi sa nature stratégique, et donc contingente, qui est dévoilée. En effet, l’analyse stratégique de cette rencontre maintient la duplicité des données en jeu : d’une part, la loi n’est qu’une des possibles stratégies, d’office partielle, de la souveraineté permettant sa connaissance. D’autre part, la loi est ce dont la souveraineté a besoin pour être reconnue, mais qui ne s’affirme qu’en effaçant le caractère souverain, théologique, du geste souverain qui donne la loi. La souveraineté est ainsi soumise à la rationalité juridique, entendue comme discours qui efface toute extériorité à lui-même, qui comprend d’office en lui-même toute autre marque de la souveraineté.

Il n’y a donc aucune déduction possible de la loi depuis la souveraineté[13] [13] : cette relation reste déchirée entre, soit une production contingente et souveraine, soit une soumission de la souveraineté à la loi, dans le discours de la loi. Et c’est précisément cette duplicité qui pourra, ultérieurement, ne plus être rejouée grâce à la fiction du contrat naturel, dès Hobbes. Ce que dévoile le texte de Bodin, et que masquera le texte de Hobbes est le fait que le droit, pris dans son sens totalisant et moderne, n’est pas une émanation pure de la souveraineté, qu’il ne peut être simplement déduit d’elle, qu’au contraire, il ne s’impose comme discours que dans la mesure où il parvient à sortir de l’emprise, qui le rend lui-même contingent, de la souveraineté. Mais corrélativement, ce qui est aussi dévoilé par Bodin et masqué par Hobbes, est le caractère essentiellement productif, innovant, stratégique de la souveraineté :  la souveraineté, alors même qu’elle cessait d’être empire, a cherché et trouvé hors d’elle-même un cadre qui la limite en la structurant (ou du moins, a mis hors et autour d’elle-même ce qui n’était qu’un de ses « actes » singuliers possibles). Au moment très précis qui a été décrit ci-dessus, le contrôle de la souveraineté sur le genre de discours –juridique- qu’il produit, et par lequel sa finalité sera exercée, n’est nécessairement plus total.

J’ai déjà dit qu’avant Bodin, la principale marque de la souveraineté était, bien souvent, la puissance de rendre la justice de dernier ressort, ou éventuellement celle de décider de la guerre. Etrangement, avec Hobbes, le critère de souveraineté qui prend le pas sur les autres, même si de façon plus discrète et moins urgente que chez Bodin, est à nouveau « le droit de décider de la guerre et de la paix » : « le commandement de la force armée, sans autre institution, fait souverain celui qui le détient »[14] [14]. Mais avec Hobbes, le droit est toujours déjà là : une République est « instituée » dans la mesure où les hommes, entre eux, ont passé « une convention » ; par ce contrat, du « droit » a toujours déjà été « donné »[15] [15]. Et les « critères [markes] par lesquels on peut discerner l’homme ou l’assemblée en qui est placé et réside le pouvoir souverain »[16] [16] sont d’office déjà des « droits et possibilités » qui « dérivent » de « cette institution de la République » (le droit de légiférer n’est d’ailleurs plus en tant que tel une marque de la souveraineté, mais seulement en ce qu’il établit la « propriété »). Ceci étant, dans les cas où la raison qui établit l’institution fait défaut, seule la crainte, et donc le droit de contraindre, sont efficaces. De la sorte, le caractère impensé de la relation de la souveraineté et du droit, ou du moins le fait que la première emporte toujours déjà avec elle la seconde, un fait que ne peut qu’entériner l’artéfact du contrat, s’accompagne nécessairement d’un retour du droit de décider de l’exceptionnel, comme première puissance de la souveraineté (preuve négative de son caractère intrinsèquement pacifique). Et le sujet (qui contracte, qui subit la loi, et qui pourrait toujours éventuellement lui résister, ne pas vouloir mourir pour elle) est bien sûr la mesure stable supposée de ce mouvement décisif.

Par ce retour à Bodin, au-delà de Hobbes, mon propos était de souligner qu’on doit peut-être rester soupçonneux quant à la possibilité d’évacuer, fût-ce de manière théorique, d’un seul mouvement la souveraineté et le droit, qu’on ne peut faire ensemble le procès du juridisme moderne et celui de la souveraineté, que nous devons donc, au maximum, tenter de restituer le caractère contingent de leur rencontre parce que, justement, ce caractère contingent est essentiel à la souveraineté, à son déploiement par un phénomène de reli ou de retrait, et d’accumulation des stratégies et enjeux.

Voyons ce que cela signifie en revenant à la dichotomie foucaldienne souveraineté/gouvernementalité synthétisée ci-dessus[17] [17] : en effet, le bien visé par la souveraineté consiste exclusivement dans l’obéissance de tous le sujets à la loi ; la souveraineté s’exerce par la loi, et tire toute sa substance de la seule acceptation généralisée d’un tel exercice. Sa finalité est bel et bien circulaire. Mais un tel exercice ne signifie nullement que l’instrument qui lui est essentiel est lui-même interne à la souveraineté, et déjà compris en elle (ni que le sujet fut à cette fin supposé). Bien sûr, donner la loi, au même titre que les autres marques de la souveraineté (décider de la paix et de la guerre, nommer les premiers magistrats,  donner justice en dernier ressort, avoir la puissance d’octroyer grâce aux condamnés) se présente comme une simple marque de la souveraineté[18] [18] ; à ce titre, elle lui est interne : la nier (la partager, la déléguer…) serait auto-réfutant pour la souveraineté (ou de la part de la souveraineté). Mais comme je l’ai déjà dit, de simple marque, la loi est élevée au rang de marque qui comprend toutes les autres marques, une marque qui permet de penser les autres marques de la souveraineté comme étant non pas tant des droits dont dispose intrinsèquement la souveraineté, mais surtout comme étant ce dont la souveraineté dispose désormais seulement sous la forme du droit. Et tel est le moment essentiellement productif de la théorisation de la souveraineté par Bodin. Tel est le moment où la souveraineté ne se contente pas de s’affirmer et se finaliser de manière purement interne : même puisé en elle-même, l’instrument de la souveraineté finit par l’englober, la structurer, et donc aussi la limiter. Et à partir de ce moment-là, il n’est plus question de comprendre le droit comme une émanation souveraine de la souveraineté. Or je pense que ce mouvement positif et productif, mais qui ne se déploie que masqué par une simple analyse « passive » des marques, est typique de la souveraineté : mon propos n’est donc pas tant de démontrer l’existence d’une extériorité instrumentale essentielle à la souveraineté, que d’affirmer par là que le propre de la souveraineté est de se présenter comme une perfection parfaitement circulaire, tout en libérant ce type de développement en fait radicalement autonome par lequel elle recule. 

Cette productivité masquée d’une théorisation de la souveraineté, qui donne lieu à un discours qui finalement l’englobe et la limite, reste nécessairement ignorée par l’opposition foucaldienne entre souveraineté et gouvernementalité. Pour Foucault, le « modèle juridique de la souveraineté » existe toujours déjà en tant que tel ; il « présuppose » toujours déjà « l’individu comme sujet de droits naturels ou de pouvoirs primitifs » ; il rend « compte de la genèse idéale de l’Etat »[19] [19]. Or, nous l’avons vu, le caractère juridique de la souveraineté ne coule pas de source ; il relève plutôt d’un coup de force qui n’est donc en rien une genèse idéale; et dans ce passage forcé de la souveraineté au droit, l’individu n’intervient pas. Le problème de Foucault est peut-être de prendre trop simplement acte du fait que la théorisation du droit serait « obsédée par le personnage du souverain »[20] [20], que le code juridique serait « centré sur la théorie de la souveraineté »[21] [21], bref, que « le problème de la souveraineté est le problème central du droit »[22] [22]… et c’est avec cette centralité et cette linéarité qu’il s’agirait pour lui de « biaiser »[23] [23] : il faut s’en « déprendre si on veut analyser le pouvoir » sans « sombrer » dans son « grand piège »[24] [24]. Corrélativement, toujours dans le chef de Foucault, il s’agit alors de rompre à juste titre avec le caractère seulement « négatif », « répressif », « pénal », se structurant « autour d’un certain nombre de grandes fonctions d’interdiction »[25] [25], de l’Etat en ce qu’il est considéré sous l’angle de la souveraineté : traditionnellement le pouvoir est « esssentiellement négatif » ; les « procédures de pouvoir » sont réduites « à la loi d’interdiction »[26] [26]; « le pouvoir est essentiellement celui qui dit ‘tu ne dois pas‘ »[27] [27].

Certes il fallait rompre avec cela, et l’approche foucaldienne du pouvoir par le biais de la gouvernementalité a amplement démontré sa capacité à appréhender celui-ci dans toute sa positivité polymorphe, locale, multiple, technique, opérante et concrète, constitutive des individus par lesquels elle transite, mais laissant ainsi transparaître le fait brutal des rapports de domination et d’assujettissement, sans les masquer et les dissoudre par cet échange, vertical et homogénéisant, de droits et d’obligations qu’établit la souveraineté en supposant toujours déjà l’existence du sujet. Mais ce que nous a révélé Bodin, par ce qui est la première grande théorisation de la souveraineté, quelques décennies avant celle de Hobbes (que vise Foucault) et donc contemporainement à l’incroyable productivité juridique qui marque la fin du XVIe siècle,  c’est le décentrement que dut subir la souveraineté pour se glisser dans le discours fini du droit. Et ce, justement, parce qu’elle ne présupposait pas un individu sur lequel s’appliquer et par lequel se légitimer, que donc elle devait avant tout se profiler comme une instance créatrice : créer un discours, une visibilité, et par là, des processus multiples de subjectivations et de sujétions nouveaux par lesquels, ensuite, l’échange vertical de type hobbésien sera possible. Le moment souverain où le droit fait irruption dans la théorie bodinienne de la souveraineté est tout à la fois stratégique et positif. Et ce qui en résulte, ce qui sera dorénavant prescrit –et avant tout au souverain lui-même- n’est pas du tout de l’ordre de l’interdit et de la limite, mais bien plus positivement, de l’ordre d’une nouvelle pratique et d’un nouveau type de discours du pouvoir, à savoir juridiques, dont surgiront les sujets, les administrations, l’Etat et ses limitations.

II. La souveraineté comme « libération » de la question du gouvernement ? Quelques exemples singuliers.

La prescription par Bodin de l’indivisibilité de la souveraineté peut dès lors avant tout s’entendre comme indivisibilité par le droit, et non plus, ou plus seulement par le prince ; le droit synthétisera formellement la multiplicité d’actions souveraines possible. Mais de surcroît, la souveraineté indivisible de l’Etat qui est ainsi établie permet la multiplicité au niveau du gouvernement. En effet, Bodin peut désormais distinguer nettement les formes de la république (son essence, donc la souveraineté) des formes de gouvernement : « car il y a bien difference de l’estat, et du gouvernement : qui est une reigle de police qui n’a point esté touchee de personne » (Rép. II, 2, p .34). Ce point essentiel de la théorie bodinienne permet par exemple à une monarchie d’être gouvernée de manière populaire, et donne lieu aux développements les plus concrets et les plus techniques des Six livres de la République (et surtout des quatre derniers livres). Les « absurdités » sur  des formes composées de république –et Bodin accuse ici en particulier Aristote- viennent de ce qu’on « a pris la forme de gouverner pour l’estat d’une Republique » (Rép. II, 7, p.120). Pour rigoureuse que soit cette distinction entre gouvernement et souveraineté, et pour intéressants que soient ces développements qu’elle permet sur les formes de gouvernement (même si encore flous), ceux-ci évoluent déjà, aux yeux de Bodin, vers cette part accidentelle (et les accidents possibles sont bien sûr « innumerables », Rep. II, 1, p.8) que Bodin laisse de côté au profit des « differences essentielles et formelles » qui concernent la souveraineté en tant que telle. Le fait que cette dernière soit de la sorte devenue indifférente aux formes particulières de gouvernement, et le fait de pouvoir dès lors se concevoir elle-même indistinctement sous la forme monarchique, aristocratique ou démocratique (même s’il est clair que Bodin a ses préférences) signifie dès lors effectivement que la souveraineté ainsi acquise transcende définitivement la figure même du souverain pour être entièrement portée par la loi qui en résulte.

Mais c’est donc aussi la définition elle-même de la souveraineté, comme étant désormais cernée, unifiée et protégée par le droit, qui libère les règles de police, le gouvernement et ses différentes formes. C’est parce que ces différentes formes de gouvernement ne risquent plus de remettre en question la souveraineté qu’elles sont libérées. Une fois acquise la définition de la souveraineté, qui ne tolère donc de son point de vue essentiel et formel, que trois « estats de la Republique » (monarchie, aristocratie ou gouvernement populaire, Rep. II, 1, p.7) sans aucune considération qualitative et aucune modulation des trois ou forme composée, une fois donc cette part essentielle acquise, Bodin en vient à des considérations qu’il définit lui-même d’accidentelles et d’ « innumerables » (Rep. II, 1, p.8), et celles-ci peuvent suivre deux directions d’ordre gouvernemental, qui elles-mêmes peuvent se chevaucher : d’une part, du strict point de vue de la personne du souverain lui-même, d’autre part, du point de vue du gouvernement des autres ou de la police.

Le premier point de vue entraîne des distinctions (valant pour les trois possibles états de la République) en fonction du respect du droit naturel. Il s’agit de la manière même dont la propriété dans son sens le plus large, et la liberté individuelle sont traitées : sera légitime le souverain qui est obéi de ses sujets et qui obéit lui-même aux lois de nature, c’est-à-dire avant tout qui respecte la liberté individuelle et la propriété de chacun ; seigneurial le souverain qui, disposant des biens et des personnes, gouverne ses sujets comme un « pere de famille ses esclaves » ; sera tyrannique le souverain qui, disposant du même type de droit que le seigneur sur ses sujets, en abuse par le mépris des lois de nature (Rep. II, 2, p.35).  Bodin mettra ainsi en exergue une forme de « monarchie royale et legitime », s’opposant donc à la monarchie tyrannique, non moins légitimement souveraine mais où le  roi, « foulant aux pieds les loix de nature, abuse de la liberté des francs sujects, comme de ses esclaves, et des biens d’autruy, comme des siens » (Rep. II, 4, p.55). Dans le type de monarchie légitime par contre, la loi est « Roine [reine] » et « le Prince se rend aussi doux, et ployable aux loix de nature, qu’il desire ses subjects luy estre obeïssans » : « il s’en ensuyvra une amitié mutuelle du Roy envers les subjects, et l’obeïssance des subjects envers le Roy, avec une tresplaisante et douce harmonie des uns avec les autres, et de tous avec le Roy » (Rep. II, 3, p.44). Le respect, par le gouvernement, des libertés et propriétés individuelles est logiquement rejeté à un niveau « gouvernemental » par une analyse de la légitimité de la souveraineté, qui ne met plus cette dernière en jeu, mais qui laisse ainsi surgir, dans les possibilités de gouvernement du souverain, le point de vue du sujet sans qu’il ait dû être présupposé dans la mise en place de la théorie de la souveraineté.

Mais tout cela est aussi rigoureusement différent des multiples formes de polices ou de gouvernements des autres évoquées, qui permettent pour leur part de juger de l’exercice du pouvoir, et dépendent donc de la distribution des offices, magistratures et richesses par le souverain, ou encore de qui il consulte, toujours à son plaisir, lors de ses prises de décision. Avec ces deux axes, nous disposons, à un niveau « gouvernemental » et accidentel par rapport à la souveraineté, des deux moyens modernes de réflexion sur le politique : droit naturel d’une part, et science du gouvernement ou gouvernementalité d’autre part.

Et c’est justement le fait que cet ensemble de distinctions soit rendu possible qui est important : distinction de l’état essentiel de la république et de ses qualités accidentelles d’une part ; et parmi ces dernières, distinction de ce qui relève d’une considération jusnaturaliste dans le chef du souverain et de ce qui relève d’une considération administrative et/ou participative. Or toutes ces distinctions sont véritablement libérées par le fait que la souveraineté a été définie, ou encore, qu’elle se démarque quoi qu’il en soit –parce que c’est cela la souveraineté-, indépendamment de ces nouvelles variations possibles. Ces variations de polices et de justice sont rendues possibles par le fait que la souveraineté s’est laissée forclore dans et par le droit. Je voudrais pour terminer me concentrer plus particulièrement encore sur cette part du gouvernement qui s’émancipe le plus des considérations jusnaturalistes, ou encore qui permet le plus de rencontrer la notion foucaldienne de gouvernementalité, et ce, quitte à faire parfois violence au texte de Bodin pour lequel le tout s’articule finalement toujours en fonction d’une certaine harmonie naturelle, d’un certain ordre naturel des choses.

La question des formes de police et de gouvernement, comme distincte de celle de la souveraineté et de l’Etat, est particulièrement difficile à cerner dans le texte de Bodin, malgré la distinction forte qu’il affirme, et qu’il faut prendre au mot. Il n’est en tout cas pas possible de faire équivaloir la question du gouvernement à celle de la magistrature (et moins encore à celle du Sénat), que Bodin définit clairement dans le Livre III. Les magistrats eux-mêmes, sans lesquels la loi est « muette » et les « commandemens ou defenses » « illusoires », qui sont en d’autres mots « la vive loy » (Rép. III, 5, p.118), sont avant tout abordés par Bodin en termes de délégation, obéissance, hiérarchie, bref eu égard à la souveraineté elle-même.

Ce ne peut donc pas être dans la fonction elle-même de la magistrature que se situe le « gouvernement », même s’il est vrai que c’est par elle que la société se trouve quadrillée, et que la loi ainsi devient vive.  Ce qui constitue le gouvernement, ou encore la police, ne pourra se définir que dans sa différence par rapport à la souveraineté, mais sans toutefois pouvoir, par définition, être réellement extérieure à la souveraineté (ou en concurrence avec elle), ou encore, sans pouvoir échapper au droit. Par contre, la mise en place et le suivi d’un tel quadrillage permet des variations gouvernementales multiples. Avant tout pour Bodin, le gouvernement est assimilé à un certain art de la distribution des offices et des bénéfices, de l’information, de la prise de conseil, etc. La question n’est plus de savoir si le prince est souverain, ni de savoir s’il respecte effectivement les droits et libertés de chacun, de façon à être légitime, ou seigneurial, ou tyrannique, mais de savoir comment il y parvient. Certes Bodin ne nous offre pas une distinction claire entre ces deux derniers points de vue, il les entremêle d’ailleurs dans un seul trop bref chapitre alors même qu’il essaie d’établir la distinction entre Etat et gouvernement[28] [28], et il les synthétise finalement dans le dernier chapitre où il commence par confirmer la différence entre Etat et gouvernement[29] [29] de façon à mettre une nouvelle fois la souveraineté à l’abri de toute variation gouvernementale : en effet, dans ce très long chapitre, il justifie la distribution des « loyers et peines », des charges, honneurs et bénéfices en fonction d’une justice harmonique. Mais à l’opposé d’un tel synthétisme, je voudrais m’arrêter sur deux étapes intermédiaires et partielles dans lesquelles se joue à mes yeux la question du gouvernement, dans la mesure où Bodin y distingue des rôles et des activités de la magistrature, de l’administration et des communautés qui ne s’expliquent plus par le biais d’une délégation de souveraineté.

II.1. Des Corps, Colleges, Estats, et Communautez.

La question du chapitre 7 du Livre III ainsi dénommé est cruciale : il s’agit de définir la puissance, les privilèges, les limites, les peines et la nécessité des corps intermédiaires entre la famille et la République (Rép. III, 7, p.173). Contrairement à la famille, les collèges sont des communautés civiles, tout comme la République, mais contrairement à cette dernière, ils ne sont pas gouvernés par puissance souveraine. « Tous corps et colleges sont instituez, pour la religion, ou pour la police », et quant à cette dernière finalité, ils « sont establis pour distribuer la justice, ou departir les charges, ou donner ordre aux provisions et marchandises qu’il faut apporter, ou enlever : ou pour les mestiers necessaires à la Republique : ou pour l’institution et discipline » ; ils peuvent donc être spécifiques à un métier, ou une science, ou une marchandise ou une juridiction ; ils peuvent se combiner de multiples façons ; il supposent la permission du souverain ; et enfin, ils s’organisent bien entendu autour de quelque chose de commun, mais pas d’une communauté totale (Rép. III, 7, p.178-179). Et Bodin, après les avoir ainsi défini, en cerne les limites légales, la puissance, les droits, les modalités de poursuite, etc. Ces limites découlent une nouvelle fois de l’approche d’une telle question sur base du paradigme de la souveraineté, et donc en fonction du discours général du droit. Elles reflètent déjà l’allergie profonde de la modernité et du libéralisme pour les corps et collectivités intermédiaires, en opposition desquels à la fois la République moderne et l’individu moderne se seraient construits. Mais ceci ne suffit pas. Car Bodin entend aussi affronter la question de savoir « s’il est bon d’oster ou d’endurcir les corps et colleges » (Rép. III, 7, p.201). Et ici, nous devons prendre acte plus précisément de ce que sont ces collèges : ils comprennent à la fois et indistinctement les corporations, groupes religieux, etc., et les différents « colleges des Juges et Magistrats » (c’est-à-dire des collèges qui ont « puissance en la République », Rép. III, 7, p.182), donc aussi un parlement. Cette indistinction prend tout son sens quand on sait ce qui pourrait justifier pour Bodin, de manière finaliste, le maintien et même le renforcement des corps et collèges : ils maintiennent l’amitié qui est au fondement même de la République (Rép. III, 7, p.201). Plus encore, l’amitié est ce que se partagent la famille, les collèges et la République. Mais en même temps ils peuvent porter avec eux « factions, seditions, partialitez, monopoles, et quelque fois la ruïne de toute la République », et jusqu’à « une « execrable et detestable impieté » (ibid.). La réponse finale de Bodin est donc nuancée en fonction du type de république : les collèges ruinent les tyrannie, mais les Etats populaires ne peuvent s’en passer. Les Etats aristocratiques et les « justes Royautez » par contre doivent les cerner de manière « bien reiglees » dans « la mediocrité » (Rép. III, 7, p.205), car dans ces deux cas « d’oster tous les corps et communautez, c’est ruiner un estat, et en faire une barbare tyrannie », mais il n’en reste pas moins « dangereux de permettre toutes assemblees et toutes confrairies ». C’est précisément au niveau de cette médiocrité bien réglée que se joue le gouvernement, dans ce désir paradoxal de maintenir l’amitié tout en refusant le désordre. Il s’ensuit une géopolitique de la ville, visant à disperser les communautés : « pour eviter aux monopoles, il est expedient de diviser les artisans en divers endroits des villes, et non pas les ranger tous en un quartier ». Par contre « les gens de marteau, on peut les renger en mesme quartier, pour ne les mesler avec les gens de lettres et de repos » (Rép. III, 7, p.209) ! Peu importent les limites qui doivent être effectivement fixées, selon Bodin, par une telle gestion au cas par cas des communautés. Ce qui compte pour notre propos, c’est que la question d’une telle réciprocité, d’une telle amitié et d’une gestion des communautés, qui ne relève plus de la souveraineté, soit justement libérée par le repli de la souveraineté sur le droit.

II.2. La censure.

Venons-en enfin, très brièvement, au chapitre premier du sixième livre de la République, qui répond à la deuxième partie de la définition de la République que Bodin proposa d’entrée de jeu dans son ouvrage (Rép.I, 1, p.27), à savoir, non plus « le droit gouvernement de plusieurs mesnages, avec puissance souveraine » dont j’ai traité jusqu’ici et sur lequel Bodin se concentre dans la majeure partie de son ouvrage, mais la question « de ce qui est commun à la Republique » (Rep. VI, 1, p.7) à laquelle Bodin consacre seulement les trois premiers chapitres du sixième livre: Bodin y vise essentiellement les problèmes de finances et d’impôts. Nous nous trouvons ici face à une variation possible de l’administration qui ne regarde plus la souveraineté. Prônant le rétablissement de l’institution antique des Censeurs, Bodin insiste lourdement sur un rôle de ceux-ci qui dépasse nettement la seule question de l’impôt. Car chargé du « dénombrement des sujects et des biens d’un chacun » (Rep. VI, 1, p.10), c’est toute une machine administrative qui en résulte, permettant d’éviter « un million de proces » (Rep. VI, 1, p.13), de connaître les forces disponibles pour la guerre, les corvées publiques, les colonies… La censure, en pouvant « cognoistre de quel estat, de quel metier chacun se mesle, dequoy il gaigne sa vie » , permet de « bannir les vagabonds, les faineans, les voleurs, les pipeurs, les rufiens […] : on les verroit, on les marqueroit, on les cognoistroit par tout » (Rep., VI, 1, p.14). Au-delà des questions de finances, et en se profilant à la fois un moyen d’auto-gouvernement des sujets et comme un nouveau moyen de connaissance, à savoir la statistique, la censure permettait surtout de « censurer et noter la vie et les mœurs d’un chacun » (Rep. VI, 1, p.20-21). Enfin, c’est elle aussi qui doit prendre en charge ce point crucial de la République « qui devroit estre public, [et] est laissé à la discretion d’un chacun », à savoir « l’institution de la jeunesse » (Rep. VI, 1, p.24, où Bodin renvoie aussi à son Discours au Sénat et au Peuple de Toulouse sur l’éducation à donner aux jeunes gens dans la République). Nous nous trouvons donc très clairement ici face à un type de pouvoir qui induit de façon permanente plus qu’il ne sanctionne de façon momentanée, et qui donne lieu à un contrôle de la société par elle-même, grâce à l’opinion et non grâce à la loi.[30] [30] La souveraineté, en portant sur des sujets et sur ce qui relève du commun, mais en s’étant repliée et en se mettant en jeu dans et par le droit, permet aussi de dégager la nécessité de la prise en charge de toute cette gestion à la fois globale et individualisée de la population.

Avec ces deux exemples singuliers, nous sommes bien sûr encore très loin d’une approche généralisée du pouvoir sur base de la gouvernementalité. Il s’agissait ici seulement de prendre au mot la distinction forte, et souveraine, que Bodin établit entre état et gouvernement (sans replier ce dernier, comme Bodin lui-même le permet, sur le respect des libertés individuelles). Et ce qui est ainsi mis en question dans le champ du gouvernement n’est pas une simple variation tolérée par la souveraineté, mais cela même que la souveraineté a dû laisser hors de son champ pour être juridique, cela même qui dès lors ne pourra pas être unifié mais qui s’impose malgré tout suite à l’unification de la souveraineté par et dans le droit. Alors que la souveraineté s’est repliée sur le droit et doit se contenter de se définir eu égard à un peuple uni de sujets et de citoyens, la gestion bien réglée des communautés et la statistique permettent la saisie de la multitude.

Mon but, dans ce dernier paragraphe, n’était donc pas de montrer simplement et de manière quelque peu artificielle que Bodin pouvait parfois « entrer » dans la réflexion foucaldienne sur la gouvernementalité, mais plus profondément, en m’aidant du texte bodinien, d’indiquer que ce que Foucault a voulu dégager de la sphère de la souveraineté et a cerné comme gouvernementalité et biopouvoir relève très précisément d’une pluralité de pouvoirs que la souveraineté elle-même a dégagés dans la mesure même où elle a été définie, dans un premier temps et stratégiquement, comme souveraine dans et par le droit. Ceci ne signifie pas, contre Foucault, que ces multiples relations de pouvoir ne se conçoivent que dans le sein d’une relation de souveraineté ; au contraire, le propre de la souveraineté, comme se démarquant quoi qu’il en soit, est de donner lieu à ces multiples relations autour d’elle, de maintenir ouverte leur possibilité. En ayant stratégiquement (et non pas déductivement) replié la question de la souveraineté sur le droit, Bodin a donc aussi posé, de biais, la question du gouvernement. 

***

Par ce double retour à Bodin, il s’agissait pour moi de tenter de penser ainsi à la suite de Foucault, et certainement pas contre lui, de manière à cerner la possibilité d’un dépassement effectif du paradigme de la souveraineté, au profit de ce que de nombreux auteurs, se revendiquant de l’analyse foucaldienne, nomment un peu rapidement le biopolitique… Or un tel dépassement suppose d’abord essentiellement que le droit est véritablement issu de l’intérieur de la souveraineté ; et ensuite que cette souveraineté dont le droit serait tout entier déduit ne réclame pas lui-même du gouvernement. Or le droit, stratégiquement produit par la souveraineté s’est dès lors aussi émancipé d’elle ; et la souveraineté repliée sur et dans le droit reconnaît ainsi qu’elle ne parviendra jamais à couvrir la multitude non-unifiée et cette « amitié » dont Bodin fait le ciment de la République. Et enfin, l’essence théologique, et potentiellement créatrice, de la souveraineté, d’une souveraineté qui se tâte, dénombre ses marques de manière très substantielle et dans les circonstances les plus exceptionnelles, reste aussi précisément ce qui se révèle lorsque la souveraineté consent  à être dépassée, ou du moins à se mettre en retrait.


[1] [31] Michel Foucault, « La gouvernementalité », in Dits et écrits, vol. III, Paris, Gallimard, 1993, p. 646.

[2] [32] Ibid., p.645.

[3] [33] Ibid., p.646.

[4] [34] Cfr . aussi Il faut défendre la société, Paris, Gallimard, 1997, dans lequel Foucault traite de la relation entre souveraineté et gouvernementalité en termes d’opposition, d’incompatibilité, d’hétérogénéité, comme de deux pouvoirs étrangers l’un à l’autre… (p.32-35).

[5] [35] Ibid., p.27.

[6] [36] On trouve un bon résumé de la genèse médiévale de la souveraineté dans Albert Rigaudière, « L’invention de la souveraineté », in : Pouvoirs, 1993, n°67, p.5-20. Voir aussi Olivier Beaud, La puissance de l’Etat, Paris, PUF, 1994, p. 38 et svtes, qui, d’une manière générale, met en évidence la centralité de la donnée législative dans le texte de Bodin, et indique la rupture « moderne » qu’elle représente par rapport à la théorie médiévale de la souveraineté.

[7] [37] Je me réfère à la reproduction de l’édition de Lyon de 1593 : Jean Bodin, Les six livres de la République, (Fayard, Corpus des œuvres de philosophie de langue française, 6 vol, 1986), Livre I, Chapitre 8, p.178-179 (désormais abrégé dans le texte sous la forme suivante : Rép. I, 8 , p.178-179). 

[8] [38] Donc comme permettant la saisie de la quiddité de la chose, pour le dire avec Aristote, pour lequel cependant, la définition par les propres ne permettrait justement pas la saisie de la quiddité.

[9] [39] A ce sujet je me permets de renvoyer à mon article « Bodin : la souveraineté saisie par ses marques », in : Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, tome LXII, 2000, n°3, p.611-623, dans lequel j’analyse précisément cette logique de la marque, dans son rapport à la théorie aristotélicienne de la définition. Sur la souveraineté chez Bodin, cfr. aussi le chapitre charnière de mon livre Violence de la loi à la Renaissance – L’originaire du politique chez Machiavel et Montaigne, Paris, Kimé, 2000. 

[10] [40] Cfr. à ce sujet mon article « Quel modèle théologique pour le politique chez Bodin ? », in : Les origines théologico-politiques de l’humanisme européen, à paraître à Bruxelles en 2001.

[11] [41] Methodus ad facilem historiarum cognitionem, édition bilingue in : Jean Bodin, Œuvres philosophiques, texte établi, traduit et publié par Pierre Mesnard, Corpus général des philosophes français, PUF, Paris, 1951, texte latin : p.174 ; traduction française : p.359.

[12] [42] Cfr. à ce sujet le commentaire de Peter Borschberg accompagnant la traduction anglaise de Hugo Grotius, « Commentarius in theses XI », An early Treatise on sovereignity, the just war, and the legitimacy of the dutch revolt, Peter Lang ed., 1994.

[13] [43] Or la souveraineté semble être souvent pour Foucault ce dont on pourrait tout « déduire » légitimement, sans aucune dépense, sans aucun détour.

[14] [44] Thomas Hobbes, Léviathan, Paris, Editions Sirey, 1971, II, 18, p.186.

[15] [45] Ibid., p.179.

[16] [46] Ibid., p.186.

[17] [47] J’en profite pour souligner que, même si je me suis tenu à la lettre de certaines propositions de Foucault dans son texte sur la gouvernementalité, et même si de semblables propositions se retrouvent dans de multiples autres textes de Foucault, il est clair qu’une telle dichotomisation, qui donne lieu à une compréhension négative de la gouvernementalité, n’épuise pas le sens –tellement productif, et justement prodigieusement positif- de cette dernière.

[18] [48] Déjà ici, nous devons toutefois noter qu’une marque n’est jamais gratuite : elle suppose un besoin de se démarquer, d’être discerné….

[19] [49] Résumé de Il faut défendre la société, in : Dits et Ecrits, III, p.124. « La théorie de la souveraineté présuppose le sujet », Il faut défendre la société, op. cit., p38.

[20] [50] Entretien avec Michel Foucault, in : Dits et Ecrits, III, p.150.

[21] [51] Il faut défendre la société, op. cit., p.33, ou Dits et Ecrits, III, p.187.

[22] [52] Il faut défendre la société, op. cit., p.24, ou Dits et Ecrits, III, p.177

[23] [53] Il faut défendre la société, op. cit., p.25, ou Dits et Ecrits, III, p.178.

[24] [54] Il faut défendre la société, op. cit., p.31 ou Dits et Ecrits, III, p.184-185.

[25] [55] Entretien avec Michel Foucault, in : Dits et Ecrits, III, p.150-151.

[26] [56] Pouvoirs et stratégies, in : Dits et Ecrits, III, p.423.

[27] [57] Les mailles du pouvoir, in : Dits et Ecrits, IV, p.183.

[28] [58] Rép. II, 2, p.34 et 35.

[29] [59] Rép. VI, 6, p.251.

[30] [60] Cfr. sur la censure l’article de D. Reynié, « Le regard souverain », in : C. Lazzeri et D. Reynié, La raison d’état : politique et rationalité, Paris, PUF, 1992, p.43-82. Pour mieux comprendre encore l’émancipation de la censure par rapport à la loi, on lira Juste Lipse, Les politiques, Livre IV, Chapitre 11.